Sarah Bessat Valentine Poisson Patrick Scharnitzky
Sarah Bessat
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Valentine Poisson
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Patrick Scharnitzky
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Les auteurs.es
21 novembre 2017
Temps de lecture : 4 min

HARCÈLEMENT : la parole se libère et maintenant, on fait quoi ?

La société change et les revendications égalitaristes forment un terreau propice à l’émancipation féminine dans le monde, et particulièrement dans le monde du travail. L’actualité des #hashtag anti harcèlement en témoigne : il ne s’agit pas là d’une révolte, mais bien d’une révolution.

De la culpabilité à la colère

Le puissant mécanisme d’influence qu’est la preuve sociale a permis une libération de la parole, celle des médias davantage que celle des femmes en réalité. En passant de la situation d’isolement à celle de reconnaissance, la culpabilité s’est inéluctablement transformée en colère chez beaucoup de femmes; l’ignorance en culpabilité chez certains hommes (cf. le phénomène #balancetonporc, #metoo et #IveDoneThat ). Une déferlante soutenue et accentuée par la viralité des réseaux sociaux.

Le problème est enfin visible et nous ne pouvons plus prétendre l’ignorer. Mais maintenant qu’il est là, on fait quoi au juste ? Quel lendemain souhaitons-nous pour l’entreprise, ses collaboratrices et leurs homologues masculins ?

Que faire ?    

Malgré la La loi du 6 août 2012[1] qui apporte une définition précise du délit de harcèlement sexuel, sa régulation ne semble pas encore au point, notamment dans le cadre de l’entreprise. Comme l’illustrent les résultats d’une enquête sur le harcèlement sexuel au travail menée par l’IFOP pour le Défenseur des droits[2] :

Ce que peuvent faire les organisations pour agir contre le harcèlement :

– Définir des accords d’entreprise : en enrichissant le règlement intérieur avec les différents acteurs de l’entreprise ;

– Mettre en place des procédures d’alertes : en dotant l’entreprise d’un outil simple permettant de faire remonter des témoignages. Cela permet de traiter les cas individuels et de compiler des statistiques sur la fréquence et la nature des situations vécues ;

– Proposer des actions d’information et de formation : les campagnes de sensibilisation et les formations à la diversité comme à la non-discrimination sont de bons moyens pour corriger les pratiques et installer une norme claire et partagée ;

– Prendre des engagements forts : la direction peut souscrire à des labels, chartes éthiques, etc. et ainsi diffuser les valeurs de respect à tous les niveaux de l’organisation ;

– Appuyer les métiers de la diversité : à l’instar du nouveau métier de chief hapiness né avec l’émergence du sujet des RPS, le New York Times s’est ainsi doté d’un « gender editor » !

– S’appuyer sur un sponsorship fort avec un engagement des instances de direction : plus la parole est portée haut dans la hiérarchie, plus elle est impactante sur les pratiques.

Ce que peuvent faire les individus :

Eduquer sans stéreotypes

A l’intar de cette maman, qui a pris l’initiative de créer des dépliants pour casser les stéréotypes liés au genre (librement téléchargeables ici et ici) :

(crédit photo : Maman Rodarde )

Se questionner sur l’intention et l’impact avant de réagir.

Bien que causée par une colère légitime, la chasse aux sorcières (enfin, plutôt la chasse aux porcs) doit être accompagnée pour ne pas déborder. En effet, il ne s’agit pas de faire l’amalgame entre les porcs harceleurs et son entité plus large, celle des hommes.

Il faut donc s’interroger avec bonne foi : « Cet homme a-t-il vraiment dépassé la frontière de la cordialité pour basculer dans du harcèlement ? ». Messieurs à l’inverse, sachez vous demander : « Cette femme essaye-t-elle vraiment de me séduire ? ».

Nos intentions sont pour nous une évidence. Mais comme nous n’avons pas la main sur la manière dont l’autre reçoit le message nous générerons parfois un impact inversement proportionnel à notre bonne volonté. Prenez donc en compte de système de pensée de votre interlocuteur: qu’a-t-il/elle vraiment voulu dire par là ? Pour décrypter efficacement la communication, prêtez aussi attention au ton du message (que l’on retrouve dans le langage verbal, mais aussi dans tous les signaux non-verbaux).

Recadrer les cochons libidineux

Si la situation ne prête pas à confusion, alors le mieux reste d’agir, pour signifier que « non, ce n’est pas tolérable ». Voici quelques pistes pour recadrer votre interlocuteur :

  • Reformuler: « Es-tu en train de me proposer une promotion canapé ? »
  • Libérer les émotions: « L’insistance de ton regard sur ma poitrine me met extrêmement mal à l’aise ».
  • Avertir des conséquences : « Passe pour cette fois, mais ne t’avises pas de recommencer sinon je considérerais qu’il s’agit de harcèlement !»

Dans le meilleur des mondes, tout le monde pourrait ainsi exprimer son non-consentement, mais nous avons conscience que ce n’est pas forcément simple en fonction du contexte.

« Le courage est le prix que la vie exige pour accorder la paix »

Amelia Earhart

Et du courage, il en faudra. Tandis que les consciences s’élèvent peu à peu, certaines femmes continuent néanmoins de pâtir de ces agressions sexuelles dans leur milieu professionnel. Après la conscientisation est maintenant venu le temps de l’action : pour se mouvoir vers une société plus égalitaire, la persévérance et la détermination seront nos meilleures armes.

Sarah Bessat, Valentine Poisson & Patrick Scharnitzky

Infographie : Messaline Laffont

[1] inscrite dans l’article 222-33 du Code pénal  L. 2012-954

[2] En 2014 pour le compte du défenseur des droits.

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