Florence Duret-Salzer
Florence Duret-Salzer
17 décembre 2019
Temps de lecture : 3 min

Médiation en entreprise : retour d’expérience

Le conflit a une vie. Il est comparable à un arbre vivant qui naît et qui grandit. Pendant sa croissance, se cristallise depuis sa base de multiples particules. Chaque événement et interaction sont lus comme une confirmation de la tension d’origine. De problèmes en incompréhensions, le conflit de logique se transforme en logique de conflit. Chacun polarise sur ses positions, usant progressivement de tactiques déloyales destinées à ne pas perdre la face et à vaincre cet autre devenu ennemi. De fait, la recherche en termes de « raison/tort » montre bien ce glissement qui amène à confondre le fond du problème et la personne avec qui il y a conflit. Le temps et les événements favorisent cette escalade conflictuelle et risquent d’éloigner progressivement la probabilité d’une résolution par un échange ouvert et raisonné entre les parties.

Pour autant, au travail, l’interdépendance demeure, sauf à mettre en œuvre des mobilités internes qui apportent une réponse de court terme, sans permettre aux parties de véritablement tourner la page car elle n’a pas été lue. Non résolu, le conflit demeure, prêt à proliférer dans d’autres espaces et auprès d’autres acteurs.

Si la confrontation constructive favorise la paix, il est cependant parfois trop difficile de la faire seul et c’est normal. La médiation, permettant de faciliter la compréhension réciproque et de ramener à une logique de prise en compte du bien-fondé de chacun, favorise la décristallisation.

Notre expérience nous permet d’observer que plus tôt le médiateur est sollicité, plus évidente est la « remontada ». La médiation au plus tôt peut en effet bénéficier de la volonté sincère des parties de sortir d’une situation qui freine les relations et pèse sur les performances comme sur le collectif. En témoigne le retour de Grégoire de La Taille, Directeur Général AXA Solutions Partenaires, qui nous a sollicités lorsqu’un conflit entre deux directeurs qu’il manage est sorti de terre, au moment de la jeune pousse.

En quoi la médiation est-elle complémentaire et différente des accompagnements RH réalisés en interne ou d’un coaching ?

La médiation ne vise pas à développer des compétences personnelles comme c’est le cas classiquement dans le cadre d’un accompagnement RH interne ou d’un coaching. Elle a pour but de permettre à deux personnes et/ou deux services de mieux gérer leurs interactions en développant une meilleure connaissance de la personnalité et du contexte de chacun. L’intérêt de la médiation est d’apporter, dans un cadre défini, un regard extérieur qui contribue à factualiser les choses, libérer les ressentis et facilite ainsi le rapprochement des points de vue.

Dans le dossier que vous nous avez confié, quels ont été les apports de la médiation pour l’équipe et les acteurs concernés ?

La démarche de médiation a permis aux deux personnes concernées de mieux comprendre l’effet de leurs actions sur l’autre et sur le fonctionnement global de l’organisation à laquelle elles appartiennent. Elle a permis de « purger » un passif et de redéfinir les bases d’une coopération plus fructueuse dans le respect de la personnalité et des besoins de chacun.

Dans quelles situations, recommandez-vous de recourir à la médiation ?

Il est, selon moi, indispensable que les deux personnes concernées soient sincèrement volontaires pour s’engager dans une démarche de médiation. Il faut qu’elles soient conscientes du besoin d’améliorer les choses, notamment parce qu’elles en subissent elles-mêmes les effets néfastes. Il faut également que la situation de départ ne soit pas dans un état de non-retour afin qu’une véritable écoute réciproque soit encore possible. Lorsque la situation de départ est fortement dégradée depuis trop longtemps, il vaut probablement mieux directement traiter le problème en changeant l’organisation ou les personnes. Il est en effet très difficile de faire s’entendre deux personnes qui n’y croient plus du fait d’un passif accumulé de longue date…

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L’ancienneté du conflit est davantage une ennemie qu’une amie. Amie, elle peut l’être quand c’est le temps qui permet de tasser les choses. Même si c’est parfois vrai, c’est aussi souvent ce qui est dit pour justifier l’évitement du conflit. Cette fuite a un coût, un jour. C’est lorsque l’on s’en rend compte qu’il est parfois trop tard pour y faire face par soi-même : car on n’y croit pas ou que l’on craint de perdre la face. La médiation vient alors tenter la reconnaissance et le rapprochement des egos en permettant de remonter le courant jusqu’au problème d’origine.

Propos introduits, recueillis et conclus par Florence Duret Salzer, médiatrice.

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