Valentine Poisson
Valentine Poisson
25 novembre 2018
Temps de lecture : 3 min

À la sainte Catherine, les catherinettes font la tête !

Le 25 novembre, c’est la Sainte Catherine. À cette occasion, une vieille coutume consiste à célébrer les « catherinettes », ces femmes qui ont le mauvais goût d’être vieilles filles passé leur vingt-cinquième printemps. Serait-il temps de laisser aux oubliettes cette tradition un poil désuète ? Décryptage par Valentine Poisson, consultante diversité & égalité professionnelle pour AlterNego.

 

Quelle est ta lecture de cette coutume ?

La Sainte Catherine honore la mémoire de Catherine d’Alexandrie, fille du gouverneur Constus née au III siècle pendant le règne de l’empereur Maximin. La jeune femme brillait par sa beauté enchanteresse, mais aussi et surtout par sa finesse d’esprit. C’est cette intelligence qui la fit remarquer auprès de l’empereur Maximin, qui la mit alors au défi de débattre au sujet de sa foi avec les 50 meilleurs érudits de l’empire. Qu’importe la quantité face à la qualité de sa rhétorique, les 50 hommes ressortirent convaincus par la Sainte et face à l’ultimatum de l’empereur, préférèrent au paganisme les flammes du bûcher. Impressionné par l’exploit de la philosophe, Maximin voulu sa main. Mais, dans un élan d’indépendance, Catherine refusa. Pour cet affront inacceptable, elle fut enfermée au cachot et salement torturée. Effrontée jusqu’au bout, elle en ressorti miraculeusement indemne… Blessé dans son ego, l’empereur n’avait plus qu’à lui trancher la tête !

Quelles problématiques cela soulève-t-il ?

Autrefois, les statues de la Sainte étaient parées d’une coiffe qui était renouvelée chaque année, à l’anniversaire de sa mort, les 25 novembre. Depuis, une coutume s’est installée dans les sociétés de tradition chrétienne, visant à affubler les femmes célibataires de plus de 25 ans d’un chapeau jaune et vert (deux couleurs qui ne se marient d’ailleurs pas du tout !) pour les faire remarquer afin de trouver mari à leur pied. Ces dernières pouvaient alors réciter cette pieuse prière : « Sainte Catherine, aide-moi. Ne me laisse pas mourir célibataire. Un mari, sainte Catherine, un bon, sainte Catherine ; mais plutôt un que pas du tout ».

La postérité de l’histoire pose problème à plusieurs égards. On peut commencer par se demander comment une femme forte et libre telle que Catherine d’Alexandrie, ayant préféré la mort à la couche d’un empereur honni, puisse être apparentée au souhait impérieux de se caser. Ensuite, il convient de s’interroger sur le caractère extrêmement discriminatoire de cette pratique qui cible exclusivement les femmes et infuse une forme de pression sociale laissant entendre que passé 25 ans, les catherinettes approchent dangereusement de la date de péremption… On voit ici le sort asymétrique réservé aux hommes : d’une part le célibat n’est pas considéré chez eux comme une tare et d’autre part, ils ont été longtemps valorisés quand ayant atteint un âge mûr ils se trouvaient une femme plus jeune. Un modèle que l’on retrouve encore aujourd’hui en France (même si les tendances évoluent), avec des conjoints ayant en moyenne 2 ans et demi de plus que leur conjointe.

 

En quoi cela interpelle le monde de l’entreprise ?

La société évolue sans cesse et le microcosme de l’entreprise s’en fait l’écho. Entre autres tendances sociétales, on constate un recul croissant de l’âge du mariage : en 2017 d’après l’INSEE, les Français·e·s se marient à 35,6 ans en moyenne. Par ailleurs, 40,6% de la population française est célibataire. Malgré cette réalité, les traditions résistent à la sécularisation et persistent dans certaines entreprises, notamment dans le milieu de la mode. On observe alors un immense décalage, entre un mouvement d’émancipation des femmes qui leur concède enfin que le mariage et les marmots ne sont pas la seule voie vers l’épanouissement, et cet étiquetage chapeauté aussi normatif que dépréciatif. N’oublions pas non plus que l’entreprise a une obligation légale de non-discrimination. Que l’on soit célibataire par envie ou par dépit, il n’est donc pas acceptable d’être ainsi pointée du doigt. Laissons donc péricliter cette tradition surannée et honorons plutôt la liberté qui se dégage des crinières de nos collaboratrices célibataires !

Valentine Poisson

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