Justine Kieffer Charlotte Ringrave
Justine Kieffer
Justine Kieffer
Charlotte Ringrave
Charlotte Ringrave
Les auteurs.es
21 juin 2022
Temps de lecture : 5 min

Comment faire de la marque employeur un levier d’attractivité et de fidélisation des nouvelles générations ?

La pandémie de Covid-19 et les derniers scandales en date dans les entreprises (conditions de travail, #MeToo, #BalanceTon/Ta…) ont permis d’éveiller les consciences : les collaborateurs semblent rejeter de plus en plus les dissonances entre leurs convictions morales et éthiques et les orientations stratégiques et réputationnelles de leur organisation. 

Ce contexte inédit a donné une nouvelle actualité au débat : est-il en encore possible de travailler au sein d’une organisation dont l’impact social, sociétal et environnemental est controversé 

« Génération Z : des consciences éveillées en rupture avec le « washing » en tout genre »

Face à ce questionnement, ce sont des dizaines de milliers d’étudiants et jeunes diplômés qui semblent être en rupture avec le destin offert et marqueté par leurs prestigieuses écoles et universités.

Portés par les transformations actuelles, bercés par leurs convictions, ils sont aujourd’hui nombreux à être confrontés à des dilemmes éthiques professionnels. 

Traversés par une quête de sens massive et plus qu’alertés sur les washings* en tout genre (le social-washing, le green-washing, le happy-washing), la génération Z exprimerait certaines réticences à se projeter dans une entreprise et une carrière en décalage avec leurs valeurs et engagements. Certains se disent prêts à changer de cap. Rien d’étonnant quand on sait que l’identité professionnelle fait partie intégrante de l’identité d’un individu. Chacun doit pouvoir se sentir appartenir et être fier de l’entreprise dans laquelle il travaille.

Aussi, à l’heure où la « Grande Démission » atteint la France, corrélée aux difficultés de recrutement croissantes, une stratégie de marque employeur ne peut se réduire à une opération « cosmétique » :  tromper les écolos avec du vert et être social pour faire société ne suffit plus. En effet, le « bien paraître » ne se soustrait plus aux attentes des nouvelles générations, de plus en plus formées et informées qui se laissent de moins en moins influencer par l’image. 

La marque employeur – sincère et authentique –  doit donc prendre une position centrale et stratégique au sein des organisations car il en va de la performance et de la pérennité des entreprises. Elle doit s’illustrer au travers d’actions concrètes visant à faire vivre aux talents d’aujourd’hui et de demain une expérience proche de celles que l’on réserve habituellement aux clients, consistant à satisfaire leurs attentes dans un cadre défini.

« Ce que la marque employeur n’est pas : communiquer beaucoup et agir peu » 

Pourtant, nombreuses sont les organisations qui pourraient être tentées de diffuser une image employeur en décalage avec leur réalité. Puisqu’il est parfois moins onéreux, plus rapide et moins audacieux de communiquer sur du « fake » que d’initier un projet stratégique de marque employeur… Nécessitant bien souvent de changer ses pratiques internes et repenser le rapport au travail et le pacte social et moral qui les unit à leurs salariés.

En effet, il s’agit d’un chantier de fond qui ne se limite pas à faire du marketing RH !

Mais à l’heure où la quête du concret domine, l’enjeu pour les entreprises est alors d’accepter avec humilité qu’il existe des axes de progrès pour réduire les écarts entre les promesses établies (récit employeur) et l’expérience vécue ou perçue par les collaborateurs (réalité employeur). En d’autres termes, les entreprises auraient tout à gagner à communiquer sur ce qui est déjà bien et à accepter de devoir progresser – avant de communiquer – sur ce qui l’est moins, avec un seul objectif : l’authenticité pour favoriser une relation de confiance avec l’ensemble des parties-prenantes.

« 4 astuces pour éviter les dissonances entre le récit et la réalité employeur… Et renforcer sa crédibilité »

  • Se protéger des compromis cachés : par exemple dans la promesse « chaque jour, évoluez dans un environnement de travail flexible et épanouissant », parle-t-on ici d’un environnement de travail ou l’on doit comprendre qu’il est attendu des collaborateurs une disponibilité à toute épreuve ?
  • Communiquer sur des faits, preuves à l’appui : « Nous assurons des rémunérations égales entre les hommes et les femmes pour un travail identique ou à valeur égale ». Des chiffres sont-ils avancés ? Souvent il n’en est rien, alors même qu’ils sont facilement établis grâce à l’index Egapro (obligatoire dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés depuis 2020). Or ce sont des éléments qui participent à rassurer de futurs collaborateurs.
  • Témoigner de vos engagements très concrètement : « Nous sommes des défenseurs et entrepreneurs du bien-être et des catalyseurs de votre épanouissement individuel ». En toute honnêteté, ces éléments permettent-ils réellement à vos candidats et à vos collaborateurs de se projeter dans une expérience clairement appréhendable ?
  • Bannir les déclarations d’intentions qui peuvent être contredites par de l’information facilement accessible : « Notre singularité, c’est l’expérience collaborateur que nous offrons à tous nos futurs candidats ». Qu’en est-il de vos classements et taux de satisfaction sur les plateformes employeurs (ChooseMyCompany ; Glassdoor ; LinkedIn ; LinkInfluence…) ?

Vous l’aurez compris, nul ne sert d’enjoliver la réalité. La marque employeur doit véhiculer en externe, le juste reflet de l’interne. Ce devoir d’authenticité implique d’identifier où se situe votre valeur ajoutée et de communiquer sur ce qui est déjà vraiment bien, plutôt que de communiquer sur ce qui pourrait l’être.

« Mais alors, de quoi la marque employeur est-elle le nom ? »

La marque employeur s’inscrit dans une approche systémique qui prend en compte et œuvre à tous les niveaux de l’organisation. Elle requiert la mise en cohérence de l’alignement stratégique de l’entreprise, avec ses politiques RH, sa culture managériale et sa communication. En ce sens, la marque employeur ne se crée pas de toutes pièces, mais se révèle à travers la réalité vécue des collaborateurs pour devenir un axe fort d’attractivité et de performance sociale et économique de l’entreprise. Elle se traduit par un récit vivant et incarné de l’histoire, la culture d’entreprise et managériale, les valeurs, la raison d’être, les engagements et les missions d’une organisation. Et c’est en travaillant et adressant ces dimensions qu’elles seront capables d’expliquer qui elles sont et ce qu’elles font au sein d’un cadre bien établi pour enclencher un cercle vertueux de mobilisation et d’engagement de l’ensemble de leurs partie-prenantes.

« Pas de recette magique… la marque employeur ne se crée pas, elle se révèle » 

Transparence, cohérence et congruence entre l’être, le dire et le faire sont les facteurs clés de succès qui permettront d’instaurer des relations de confiance propices à l’attractivité, l’engagement et la fidélisation des candidats et collaborateurs.

Rappelons-nous que chaque entreprise est ce qu’elle est avec ses facteurs d’attractivité et ses axes d’amélioration. Chaque expérience collaborateur est unique. La quête de sens sans équivalent des nouvelles générations, intégrant la prise en compte des enjeux sociétaux oblige à la responsabilisation et à l’humilité. Ainsi, si les entreprises ne sont pas toutes destinées à « sauver le monde », chacune doit pouvoir s’interroger sur son impact RSE et engager cette fameuse réflexion de fond : quels sont nos engagements, quelle est notre mission, quelle expérience et quels pactes social et moral souhaitons-nous offrir à nos collaborateurs ?


*Les washings se caractérisent par des procédés marketing ou de relations publiques qu’utilise une organisation pour se revêtir d’une image de responsabilité. 

Justine Kieffer, avec la précieuse relecture de Charlotte Ringrave

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