Parwa Mounoussamy Valentine Poisson
Parwa Mounoussamy
Parwa Mounoussamy
Valentine Poisson
Valentine Poisson
Les auteurs.es
1 avril 2020
Temps de lecture : 4 min

Coronavirus : quid de l’impact psychique ?

La crise sanitaire que nous vivons relève d’une situation d’exception. En effet, de par son ampleur inédite et son immense complexité, les tenants et aboutissants de cette crise demeurent incertains. Cette incertitude omniprésente est une source d’anxiété massive pour les individus, mais le stress n’est pas la seule situation que le Covid-19 nous mène à traverser sur le plan psychologique.

Une sérénité mentale mise à rude épreuve

Plus les jours de confinement s’accumulent et plus les personnes se retrouvent confrontées à l’évolution des informations préoccupantes, à des états d’eux-mêmes et de leurs proches qu’ils ne connaissaient pas forcément. Impossible d’anticiper ou de se préparer à l’un ou l’autre de ces aspects. Ces bouleversements de nos vies personnelles et professionnelles vont se traduire concrètement de façon différente et à des intensités variables selon les expériences et prédispositions de chacun·e.

L’incertitude multi-niveaux induite par cette crise sanitaire bouscule les repères profonds des individus (notamment la structure du temps et de l’espace, la sécurité matérielle et le fait pouvoir se reposer sur le système de santé). Le réaménagement intérieur de ces différentes coordonnées est susceptible de réactiver des traumas et des angoisses anciennes : des insécurités auxquelles l’on ne souhaitait pas nécessairement se heurter dans l’immédiat – angoisses liées à la perte de contrôle, à la solitude et à l’abandon, au vide, angoisse de mort ou de manque – refont ainsi surface, s’entrechoquent, et peuvent demander beaucoup d’énergie pour être canalisées.

La consigne de confinement impose de surcroît aux personnes une promiscuité avec les autres membres du foyer. Cette « surprésence » peut parfois être dure à vivre, d’autant plus lorsque l’espace de vie est réduit ou lorsqu’elle requiert beaucoup de disponibilité mentale, comme par exemple dans la tentative de combiner école à la maison et télétravail. Ces dynamiques relationnelles éprouvantes peuvent être source d’irritabilité, voire remettre à l’ordre du jour de vieilles blessures relationnelles. Elles représentent le potentiel d’une conflictualité importante au domicile.

Les spécificités de la crise du COVID 19

Malheureusement, des personnes connaissent également des situations de décès dans leur entourage (amis, famille, collègues, etc.) et doivent entamer un nécessaire travail de deuil dans des circonstances plus qu’exceptionnelles. En effet, de par les précautions sanitaires et les mesures de distance sociale, les familles doivent adapter leurs pratiques et rituels d’accompagnement des personnes en maladie grave et des défunts.

Collectivement, nous avons aussi à penser l’impact sur les familles de l’épuisement massif des soignants et de tous les individus mobilisés « au front » d’une crise aux allures de marathon d’endurance. Les efforts fournis, sur le temps long, associé aux risques encourus ne sont pas sans laisser de trace sur la stabilité émotionnelle et psychique des individus concernés. Plus globalement, le sentiment qu’il « y aura un avant et un après » suppose de faire le deuil d’une conjoncture révolue.

Nouveaux paradigmes : à chacun·e son rythme

Tous et toutes concernées par la crise, il importe d’apprendre à se préserver pour mieux la traverser. Cela demande une certaine recherche d’équilibre (par exemple entre l’absence d’informations, qui génère une incertitude angoissante et un trop plein d’informations des médias qui se révèlent tout aussi, sinon plus, anxiogènes). Pour trouver le bon curseur et les bonnes solutions, qui sont par définition propres à chacun·e, il convient d’être à l’écoute de ses besoins, en sondant son état émotionnel. Que se passe-t-il en moi ? Suis-je angoissé·e, en colère, triste ? Que révèle cet état émotionnel ? Est-ce que ça renvoie à quelque chose de connu ?

Les émotions négatives ne sont pas agréables à vivre. Elles ne sont pas moins difficiles à contourner dans la situation actuelle. Les mécanismes de défense et d’évasion peuvent ainsi tenter de se remettre en place : le système corps-esprit se mobilise pour préserver son équilibre global et ne pas se prendre de plein fouet les angoisses précitées. D’anciennes ou nouvelles stratégies peuvent se donc développer, typiquement le recours aux cigarettes, à l’alcool ou toute autre substance d’évasion ou rassurante, ainsi qu’aux jeux vidéo par exemple. La consommation de substances psychoaffectives, ainsi que le déchargement de l’énergie via des comportements compulsifs constituent une porte de sortie à effet immédiat.

Il est primordial d’accepter qu’il est totalement normal de se sentir sous pression et commencer par en « accuser réception ». Ne pas hésiter à maintenir le plus possible une continuité de lien avec ses repères usuels de soutien, même à distance : thérapeute, coach, superviseur, mentor, proches… En période d’exception, ne pas hésiter à recourir aux outils et personnes qui nous sont déjà favorables dans le quotidien. À l’heure de l’incertitude, tout ce qui est identifié comme ressource pour notre système est à préserver et maintenir.

D’autres auront besoin d’élaborer de nouvelles solutions, spécifiques, destinées à amortir l’inconfort du confinement ou à s’en extraire. Chacun·e détient en soi la réponse la plus adaptée. Vous pouvez vous organiser pour effectuer des activités en groupe, à distance. La méditation aidera certain·es à faire face à la pression. Pour d’autres, c’est une séance de sport/fitness qui aidera à libérer la tension. C’est peut-être aussi la stabilité procurée par la mise en place de rituels dans sa journée, l’évasion trouvée dans un bon livre ou une série, la satisfaction de mener à bien des projets créatifs, ou encore le réconfort d’entendre la voix de ses proches au téléphone… Jusqu’à la joie partagée de trinquer avec ses amis lors d’un apéro en visio !

Finalement, s’octroyer le droit de ne rien faire face à l’inconfort, sans culpabilité, est un aussi moyen légitime d’y faire face. Accueillir et mettre en mots pour partager avec ses proches ses zones de difficulté représente déjà beaucoup. Ne pas oublier que ce à quoi on résiste… Persiste ! Aucune injonction envers nous-même donc, présence et douceur avant tout.

Parwa Mounoussamy & Valentine Poisson

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