Charlotte Ringrave
Charlotte Ringrave
19 mars 2019
Temps de lecture : 5 min

Au fait, c’est quoi le reverse mentoring ?

Aujourd’hui, trois voire quatre générations cohabitent au sein de nos entreprises (les baby-boomers nés entre 1942 et 1959, les générations X (1960 à 1979), les Y (1980 à 1995) et les Z, nés après 1995). Il faut donc organiser la cohabitation, dans un monde en perpétuelle et rapide mutation !

Une étude réalisée par le cabinet de recrutement Hays auprès de 1000 candidats et clients, démontre que, concernant le travail, il n’y a pas de différences fondamentales entre les générations… elles se rejoindraient même dans leur volonté d’équilibrer vie privée et vie pro (44% pour les baby-boomers et génération X et 41% pour les jeunes générations), en privilégiant l’accomplissement de soi (respectivement 26% et 28%), sans négliger la notion de sécurité de l’emploi (17% toutes générations confondues) et de liberté/flexibilité (13 et 14%). Autre point commun, les besoins fondamentaux au travail et qualités liées à la réussite, à savoir l’autonomie, l’innovation, et l’ambition, sont prisés. Aussi, les stéréotypes formulés à l’égard des Millennials s’expliqueraient surtout par leur jeune âge… Oui ! les générations se suivent et se ressemblent sur beaucoup de points et les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas si différents des jeunes d’hier !

Pour autant, il existe quand même quelques spécificités… Les Millennials, hyper-connectés, marquent, dans leur relation au digital, une rupture générationnelle profonde. Selon l’INSEE, cette génération Y représentera 75% de la population active en 2025, et définira donc la culture et les attentes des entreprises. Leur intégration devient donc un enjeu fondamental.

Le numérique impacte considérablement les cultures corporate classiques et pyramidales et impose de nouveaux rapports au temps (instantanéité), à l’espace (nomadisme, télé-travail), aux autres, voire même à soi-même (identité numérique, besoin de reconnaissance), à l’information (transparence, fact checking) et à la communication, aux outils (la révolution ATAWAD), à la créativité (culture de l’innovation, du test & learn), au travail (circuits courts, agilité) et à l’organisation (qui doit plus que jamais miser sur le droit à l’erreur et la confiance). Pour la génération Y, aucun problème ! Pour les générations précédentes, ce n’est pas si évident… Aussi, pour la première fois, les jeunes générations ont des choses à apprendre à leurs aînés… et pas seulement de leurs ainés ! C’est la fin du modèle circulaire classique dans lequel seules les générations les plus anciennes avaient quelque chose à transmettre.

Le reverse mentoring ou « mentorat inversé »

Le mentoring est un mode d’accompagnement suivi et personnalisé d’un mentee (souvent jeune) par un mentor (plus expérimenté), qui permet un partage d’expérience réciproque. Ce concept est inspiré de la mythologie grecque : Ulysse, qui s’apprêtait à partir faire son Odyssée, demanda à son meilleur ami « fidèle et sage », Mentor, de conseiller son fils, Télémaque, pendant son absence. C’est donc de là que vient le terme et l’idée qu’un mentor est un senior qui prend un junior sous son aile ! Généralement, le mentoring est donc utilisé dans les entreprises pour accompagner les talents à des moments clefs de carrière.

Avec la révolution numérique, on observe l’émergence d’un nouveau type de mentoring, qui fonctionne dans l’autre sens. Apparu aux États-Unis dans les années 1990 chez General Electric, le concept de reverse mentoring est en vogue depuis quelques années en France (notamment dans les très grandes entreprises comme AXA, Orange, SNCF, Total), il permet à des jeunes mentors de transmettre leurs connaissances sur les nouvelles technologies, le big data, les réseaux sociaux (et leurs impacts sur le monde « réel ») et tous ces outils avec lesquels ils sont nés et qu’ils maîtrisent sur le bout des doigts. Dans ce type de mentoring, les mentees sont donc des personnes plus seniors, souvent des cadres dirigeants !

Le reverse mentoring, quels avantages ?

Comme le mentoring classique, le reverse mentoring est un outil d’apprentissage et d’accompagnement systémique « win-win-win ». Bien sûr, les bénéfices pour les mentees sont assez évidents mais qu’en est-il des jeunes mentors ? Et pour l’entreprise ?

Bien sûr, les mentees qui participent à une démarche de reverse mentoring ont beaucoup à gagner ! Ils appréhendent avec le monde du numérique, développent leurs compétences et saisissent de nouvelles opportunités business en gagnant en autonomie grâce à une plus grande maîtrise d’internet et des réseaux sociaux, à l’expérimentation de nouveaux outils collaboratifs et à l’amélioration de leur connaissance du digital de façon globale ! Ils exposent leurs préoccupations liées à internet et aux réseaux sociaux, notamment sur les risques inhérents, principale inquiétude. Mais attention, le reverse mentoring n’a pas pour objet d’obliger à l’utilisation des réseaux ou de faire la leçon ; l’idée est d’écouter, de prendre en compte les inquiétudes, d’y répondre et de les dédramatiser… Aussi, sans jamais nier les risques, les jeunes mentors donnent des clefs aux mentees afin qu’ils puissent les comprendre et les maîtriser pour faciliter leur appropriation des outils, de leurs usages et les adapter à leurs propres codes. Piloter l’avancée d’un projet en temps réel et à distance, réduire son impact écologique ou prendre des nouvelles de ses enfants au quatre coins du monde ? C’est possible !

Si la position d’apprentissage peut s’avérer déstabilisante pour les mentees, ils apprennent à faire confiance à des juniors et font évoluer leur posture managériale en se familiarisant avec les modes de fonctionnement et les leviers de motivation d’une génération très (trop ?) stéréotypées (pas assez patients, trop exigeants, fainéants, zappeurs, difficiles à manager, nomophobes) qu’ils seront souvent amenés à manager.

La mise en place du reverse mentoring est donc un premier acte fort de transformation de la culture managériale. C’est pourquoi, il peut également être vu comme un défi, voire un risque managérial dans un contexte culturel français encore très hiérarchique

Les mentees ne sont pas seuls à apprendre ! Pour les jeunes mentors, le reverse mentoring apparaît comme un formidable accélérateur de carrière. Dans un premier temps, cet outil permet de valoriser leurs compétences et en ce sens, c’est un levier de responsabilisation et de reconnaissance très efficace. Le reverse mentoring participe à les faire grandir, les fidéliser et les motiver grâce au sentiment de contribuer à un enjeu sociétal fort de transmission de connaissances devenues indispensables. Au contact de l’expérience et des connaissances des cadres dirigeants, les jeunes mentors apprennent beaucoup sur l’entreprise, ils gagnent en confiance, se créent un réseau et assurent leur visibilité, soutenant ainsi leurs objectifs de carrière !

Le reverse mentoring est donc un dialogue d’expert à expert, un espace de partage et d’enrichissement mutuel dans lequel mentors et mentees ont beaucoup à s’apporter.  

Et pour l’entreprise ? C’est tout bénéf’ aussi !

En appréhendant le numérique comme quelque chose qui rapprocherait les générations, plutôt que de les éloigner, le reverse mentoring permet d’accorder un rôle pivot aux plus jeunes (et donc de les valoriser et les fidéliser !) afin de partager et diffuser leurs connaissances et ainsi, accélérer la transformation numérique de l’entreprise qui se reconnecte à son époque et assure sa pérennité grâce au dialogue intergénérationnel.

En effet, le reverse mentoring (au même titre que le mentoring classique) créé des ponts, favorise la communication, casse les clivages intergénérationnels et améliore la transversalité et le lien social en luttant contre les stéréotypes liés à l’âge.

Une rencontre entre deux personnes qui ne se connaissent pas, qui plus est de générations différentes, n’est jamais aisée. Pour que la relation soit un succès, elle doit être authentique. Il faut donc la dépolluer des a priori, des croyances limitantes, du besoin de contrôle, des stéréotypes…

Le reverse mentoring, devient alors un puissant outil au service de l’inclusion ! 😉

Charlotte Ringrave

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