Christophe Bofarull
Christophe Bofarull
17 décembre 2019
Temps de lecture : 3 min

Réforme des retraites : décryptage tactique des négociations

Voici 12 jours que la France est bloquée par les grèves. « Une réforme indispensable pour sauver notre système de retraite » dixit le gouvernement. « Une perte considérable de nos acquis sociaux » dixit les organisations syndicales. Une situation compliquée vécue par les Français au quotidien… Mais aussi un jeu tactique dans les négociations, qui ne laisse que très peu d’espoir à une sortie de crise sans casse. Décryptons les différentes tactiques utilisées dans cet échiquier social.

Le leurre : l’âge pivot n’est-il pas un objet de concession pour forcer l’acceptation de la réforme ?

Le leurre est une tactique de négociation qui a pour objet de tromper son interlocuteur avec un sujet prêt à être concédé pour faciliter l’acceptation du problème réel à négocier. L’âge pivot semble être le leurre idéal dans ces négociations. La CFDT était un des seuls syndicats à promouvoir le système universel de retraite à points. Or, l’instauration d’un âge pivot à 64 ans l’a fait rompre à ces prérogatives. Le gouvernement s’éloigne d’un allié de poids qu’il comptait jusqu’alors parmi les organisations syndicales.

Les stratégies d’influence se gagnent par les jeux de coalition…  Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé d’adosser à la réforme systémique des considérations d’ordre paramétriques et ainsi de se mettre à dos l’organisation syndicale majoritaire ? Amateurisme en négociation ou plan machiavélique ?

Stratégiquement, cela pourrait couper l’herbe sous le pied à l’ensemble des organisations syndicales. Le gouvernement pourrait concéder un recul de l’âge pivot pour demander en contrepartie l’acceptation de l’accord.

L’ultimatum : les fêtes de fin d’année sont l’ultimatum idéal pour stimuler la décision sous la pression

Pourquoi lancer cette réforme en fin d’année, après un an de contestation populaire ? Pourquoi le gouvernement n’a pas attendu début 2020 pour ouvrir ce chantier à risque, cela pour autant sans compromettre son agenda politique ? Les fêtes de fin d’année représentent un ultimatum idéal pour pousser l’autre dans ses retranchements.

L’opinion publique représente donc le juge idéal dans cette situation. Son seuil de tolérance commence à être atteint. Ce contexte de dureté endémique du bien-être facilite la manipulation. La moindre concession pourrait donc avoir un effet salvateur sur leur bien-être. Le jugement est donc déjà prononcé.

La roulette russe : le premier qui lâchera perdra sa crédibilité

La roulette russe est un jeu de hasard qui consiste à mettre une balle dans le barillet d’un revolver, puis à tourner de manière aléatoire le barillet avant de le pointer sur sa tempe. En négociation, la roulette russe est une tactique extrêmement risquée pour les deux parties.

Le principal danger pour la république serait de mettre à mort une des deux parties dans ces négociations. D’un côté, le risque politique est grand : hériter d’un gouvernement qui perdrait sa crédibilité face aux Français. Il serait obligé de renoncer à son projet de réforme sous la contrainte de la rue et nous ferait rentrer dans une crise politique profonde. De l’autre côté, le risque social est immense. Les organisations syndicales ont beaucoup à perdre. Le mouvement des gilets jaunes les a déjà fragilisé en s’initiant dans des revendications qui théoriquement leur appartiennent.

Ce conflit nous invite à nous interroger sur le coût économique, le coût social et le coût de la lassitude populaire… Nous avons tendance à oublier l’importance des corps intermédiaires pour que la démocratie fonctionne mais surtout le rôle essentiel de la négociation : celui de créer du lien.

Cet article est basé sur des hypothèses tactiques de négociation. Toutefois, si ces tactiques s’avéraient véridiques, quel serait le coût de la trahison à travers les tactiques déloyales employées ? La véritable question reste toutefois celle-ci : comment remettre de la confiance et du dialogue entre les parties prenantes pour rétablir une cohésion sociale ?

Christophe Bofarull

Lire des articles sur les thèmes :