Marie Donzel Charlotte Ringrave
Marie Donzel
Marie Donzel
Charlotte Ringrave
Charlotte Ringrave
Les auteurs.es
27 mars 2020
Temps de lecture : 6 min

Travail à distance : adaptez vos postures managériales !

Les fournisseurs d’accès à Internet livrent des conseils pour prévenir un « krach digital » en raison de l’usage ultra-intensif des outils de travail à distance depuis le début du confinement. Mais l’utilisation raisonnée des outils ne résout pas toutes les questions posées par le travail à distance : managers et collaborateurs/collaboratrices ont à adapter leurs postures et pratiques pour collaborer efficacement, tout en préservant la QVT et en développant de nouvelles compétences.

L’impérieux « trust & confidence », du contrôle des moyens à l’évaluation des résultats.

Voilà plusieurs années que l’on martèle que l’avenir du management est au « trust & confidence » (i.e avoir confiance et faire confiance) en rupture avec la culture du « command & control » (i.e commander et contrôler). Aujourd’hui, les managers – peu importe leur niveau – n’ont plus le choix : plus de 10 millions de salarié·e·s des secteurs public et privé (soit 33 % de la population en emploi) travaillent de chez eux alors que seulement 6,6% des salarié·e·s français·e·s avait l’habitude de télétravailler, selon les données d’Eurostat publiées quelques jours avant le début du confinement. A toute vitesse, les managers ont donc dû s’adapter et apprendre à faire confiance à leurs collaborateurs & collaboratrices qui sont de facto plus autonomes dans les moyens mis en œuvre pour réaliser leur travail. Aussi, si les managers ont moins de visibilité sur les modalités de réalisation des projets et des missions, leur principal levier managérial réside désormais dans l’évaluation des finalités et des résultats.

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Ce changement accéléré de paradigme exige cependant un besoin de soutien managérial, axe important de l’engagement et de la motivation des collaborateurs et collaboratrices. Les responsabilités « classiques » d’animation et de développement de l’équipe, de feedback, de décisions et/ou d’arbitrage sont plus que jamais d’actualité. Chacun·e a besoin – notamment dans les périodes de stress ou de tensions comme celle que nous vivons actuellement – de pouvoir compter sur sa/son manager pour disposer des leviers et des ressources nécessaires au développement de sa capacité à s’autonomiser dans sa mission et  à atteindre ses objectifs.

Donner du feedback

En présentiel comme en télétravail, le « feedback » est donc une clé fondamentale de la relation managériale. Donner et recevoir du feedback permet de développer le sentiment de reconnaissance et de monter en compétences. Et cela n’est d’ailleurs pas exclusivement réservé à la relation manager-collaborateur ! Les collaborateurs/collaboratrices 100% à distance (surtout sur une longue période !) voient leurs méthodes de travail bousculées et les phases d’adaptation sont parfois difficiles. Le feedback entre collaborateurs – tant qu’il est utile et bienveillant – est un formidable moyen de « test and learn » (i.e tester et apprendre). Faire du feedback, même transversal, permet l’amélioration continue et la mise en place d’organisations efficaces dans un temps court.

Mais comment adopter la bonne attitude quand on est privé du langage non verbal et de toutes les subtilités de la relation sociale immédiate pour apporter du bon feedback ? La forme compte plus que jamais ! Un·e membre de votre équipe, un·e collègue, un prestataire vous envoie son travail par mail ? Accusez réception sans tarder, en appliquant une hyper-vigilance sur les marques de courtoisie (bonjour et merci, c’est le minimum requis !  Attention aussi à éviter les fashion faux-pas du langage bureaulier…). Si vous ne pouvez pas immédiatement prendre connaissance en détail du contenu qui vous a été transmis, indiquez le délai dans lequel vous allez faire un retour. Apportez vos remarques et commentaires avec bienveillance (même si le travail remis n’est pas au rendez-vous de vos attentes, cela se dit de façon respectueuse, en considération de l’effort de travail fourni) et guidez les axes d’amélioration en tenant compte des principes de la « zone proximale de développement » de Vigotsky : challenger sans décourager !

Rester vigilant·e sur la QVT

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La « distanciation sociale » (c’est le nom officiel du confinement) est privative d’une partie des fonctions latentes du travail… Au point de constituer une forte zone de risques psychosociaux : anxiété face à la situation présente et quant à l’avenir, stress et sur-engagement en télétravail, effacement des repères temporels et porosité des espace-temps professionnel et personnels rendant encore plus acrobatique la conciliation des temps de vie et favorisant le risque d’épuisement professionnel, troubles musculo-squelettiques liés à une ergonomie inadaptée du « poste de travail » à domicile, isolement, comportements d’addiction…

Les obligations de l’employeur en matière de protection & prévention de la santé physique et psychique des salarié·e·s ne sont pas abolies par l’état d’urgence sanitaire et les aménagements exceptionnels du code du travail qui vont avec.

Il faut donc redoubler de vigilance en matière de qualité de vie au travail : s’assurer des conditions matérielles d’exercice de l’activité professionnelle des collaborateurs & collaboratrices, les accompagner dans la gestion de leur temps, les former aux nouveaux outils qu’ils doivent apprendre à utiliser (et avec lesquels beaucoup de celles et ceux qui ne sont pas « digital natives » peuvent être mal à l’aise), rester en contact et les interroger avec délicatesse sur leur état physique et moral, leur niveau de fatigue et de motivation…

Piloter la montée en compétences nouvelles de vos collaborateurs & collaboratrices

Le travail à distance est un laboratoire révélateur de talents cachés et une usine à montée en compétences. Les postures (savoir-être et savoir-agir) évoluent et se déploient à vitesse grand V dans ces moments où l’écologie relationnelle fait toute la différence : qualité d’écoute (indispensable pour des visioconférences efficaces et économes en énergie des un·e·s et des autres), empathie et intelligence émotionnelle, capacité à fédérer et à engager les autres, sens de l’organisation et des priorités, résilience, créativité et agilité, esprit d’initiative… Ces soft skills qui s’expriment de façon exponentielle chez chacun·e sont essentielles au mieux vivre et au mieux travailler ensemble. Les managers doivent profiter de cette période pour les identifier, les encourager, les valoriser et les prendre en compte dans les parcours d’évolution professionnelle à moyen terme.

Les managers doivent en parallèle pouvoir détecter les signaux de difficultés à acquérir ces compétences chez celles et ceux qui ont plus de mal à s’adapter au travail à distance afin de les accompagner dans leur développement pendant la durée de la crise et sur le long terme.

Réussir ses temps forts managériaux

Organiser des worklists régulières avec vos équipes est une bonne idée… Mais le but du jeu n’est pas que chacun·e récite sa to-do-list et que la/le manager se contente d’ordonner les priorités. Le but n’est pas non plus de noyer les agendas de points de « pilotage » et de multiplier les outils et les tableaux de suivis. En effet, si les phénomènes de « réunionite » sont contre-productifs en présentiel, ils le sont tout autant – voire davantage – quand tout le monde est à distance… Gardez en tête que les visioconférences sont particulièrement énergivores en termes de concentration, surtout si elles s’enchainent dans un contexte stressant et incertain.

Faites preuve de créativité pour faire de ces rendez-vous des rendez-vous courts, dynamiques, percutants et pertinents ! Priorisez les réunions qui ont pour objectif principal de favoriser la cohésion et la coopération : et si, par exemple, vous demandiez à chacun·e d’envoyer en amont les points qu’il/elle souhaite aborder et ensuite, pendant la réunion, confiez à Géraldine le soin de présenter ceux de Mathieu, à Mathieu ceux de Lucas, à Lucas ceux de Géraldine etc. Ainsi, chacun·e est amené·e à faire preuve de transparence et de pédagogie dans l’énonciation de ses tâches en cours, de ses besoins, de ses questions… Et tou·te·s peuvent participer à la construction de solutions pour faciliter le travail des un·e·s et des autres, ainsi que proposer ses apports dans un esprit d’entraide et de solidarité.

Enfin, il nous reste à aborder un point important, qui l’est d’autant plus aujourd’hui : n’oubliez pas de rire. Réunir son équipe, même à distance, pour échanger sur des futilités qui n’ont pas de rapport direct avec le travail – pour le café du matin, pour le goûter ou pour un petit apéro en fin d’après-midi – contribue à maintenir le lien social et l’ambiance dans les équipes… Autre pilier fondamental de l’engagement et de la motivation.

N’oubliez pas que nous avons encore le droit (et le devoir) d’être sérieux… mais sans se prendre au sérieux !

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Marie Donzel et Charlotte Ringrave

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