Justine Kieffer
Justine Kieffer
8 décembre 2021
Temps de lecture : 5 min

En quoi le bureau est-il en train de disparaître, de se réinventer, mais aussi de survivre ?

Si certaines dimensions de la sphère professionnelle sont restées inchangées, d’autres ont fortement évolué. Les salariés, depuis maintenant une soixantaine d’années ont vu leur environnement de travail se transformer au fil des évolutions sociétales et l’émergence de nouvelles formes de travail. 

La crise sanitaire a-t-elle eu raison de l’existence du bureau ?

Une petite dizaine de millions de français ont tous été témoins autant qu’acteurs des transformations opérées sur le champ de l’aménagement de leurs espaces et lieux de travail. Du bureau sans âme, cloisonné, éclairé à la lumière blanche, aux bureaux ultra personnalisés, pour ensuite convoiter ces open-space tant décriés après… puis aboutir au ATAWAD…« Ata…quoi ? » pourraient s’interroger certains. 

L’essor du télétravail a mis un coup d’accélérateur aux transformations, conduisant même bon nombre d’entreprises à se questionner sur la pertinence de conserver leurs propres bureaux. Les collaborateurs quant à eux sont de plus en plus nomades et ont aujourd’hui à leur disposition de nouveaux espaces de travail, partout, tout le temps. Ces nouvelles façons de concevoir le travail ont en toute logique ébranlé la notion même de bureau et de poste de travail. 

Selon une étude de l’Observatoire de la Qualité de Vie au Bureau, 1 actif sur 3 travaille déjà en dehors du bureau une fois par mois. Demain, les chiffres pourraient exploser : 85% d’actifs aimeraient travailler à domicile et 55% d’entre eux souhaiteraient avoir l’opportunité de travailler régulièrement dans des tiers-lieux. En parallèle, 56% des actifs pensent que les lieux de travail seront un peu différents et 20% sont convaincus qu’ils seront radicalement différents.

Ces chiffres mis en perspective des évolutions spectaculaires de la réalisation de l’activité de travail pourraient nous laisser présager qu’un sombre avenir se dessine, effaçant progressivement les bureaux de notre paysage, pour le bonheur de certains, et au grand dam des autres… 

Pour autant, même s’il pourrait faire l’objet d’une mort programmée, le bureau comme lieu de travail suscite de nombreux questionnements et réflexions quant aux modalités de sa pérennité. Doit-il être incontestablement identifié comme le lieu de travail principal ? Quel sera le visage de nos bureaux de demain ? De quoi la transformation des espaces de travail sera-t-elle l’illustration ? À quoi pourrait ressembler un bureau idéal… ?

Quand le « Home-Office » prend tout son sens

Nous serions tentés de répondre qu’il pourrait exister autant de types de bureaux idéals qu’il existe d’individus. 

Même s’il peut s’avérer ambitieux pour une entreprise de vouloir répondre à l’ensemble des attentes diversifiées de ses collaborateurs, il n’en reste pas moins que les organisations semblent prendre la question à cœur. Nos différents terrains d’intervention nous permettent de témoigner qu’elles vouent d’ailleurs un intérêt particulier à « co-construire » leurs bureaux de demain avec leurs collaborateurs. Soucieuses de créer des espaces de travail harmonieux, adaptés aux besoins fonctionnels et de bien-être du plus grand nombre, les organisations semblent donc mettre tout en œuvre pour s’aligner.

Sans équivoque, depuis l’avènement du télétravail massif, la tendance de fond aujourd’hui revendiquée par de nombreux professionnels se veut être le « comme à la maison ». L’attrait pour la pratique du télétravail semble effectivement avoir généré chez certains l’envie d’insuffler le home office… au bureau ! 

Alors, imaginez une entreprise si soucieuse du bien-être de ses salariés qu’elle les accueille dans des locaux aux couleurs d’une habitation… Parquet, poêle à bois, lumière tamisée, bibliothèque et canapé, table basse et enceintes portatives… Avec un objectif assez évident : transformer le lieu de travail en un endroit où il fait bon vivre pour faire en sorte que ses collaborateurs se sentent comme à la maison ! Et c’est précisément à cet endroit que les attentes des collaborateurs s’illustrent. Les entreprises qui parviendront à se différencier et sortir du lot sont celles qui seront en mesure d’offrir une expérience collaborateur à travers un décor qui ait du sens et qui soit évolutif, selon l’étude de l’Observatoire de la Qualité de Vie au Bureau.

Ces nouvelles attentes démontrent que les bureaux et leur aménagement pourraient devenir un atout déterminant pour redorer sa marque employeur. Les entreprises ont donc une carte à jouer pour implémenter le « home office » au bureau, pour le plus grand bonheur des collaborateurs.

Mais attention à ne pas se lancer dans une course effrénée à la décoration, à la restructuration des espaces de travail, au décloisonnement impulsif de certains murs sans s’être sérieusement penché sur le sujet. L’espace de travail est un outil, une partie d’un ensemble systémique cohérent. En ce sens, l’aménagement des espaces de travail répond à des enjeux d’accompagnement du changement au même titre que l’organisation du travail, la structure hiérarchique, le management, l’équipement technologique… Et si l’une de ces composantes présente des faiblesses, les organisations pourront aménager leurs lieux de travail de la façon la plus fantastique qu’il soit, ça ne marchera pas ! 

Dis-moi quel aménagement de bureau tu veux et je te dirai quelle entreprise tu es ?

Ce constat soulève la nécessité qu’ont les organisations à appréhender la question des espaces de travail à travers une approche holistique en se questionnant sur plusieurs aspects : quelle est l’expérience de travail que je souhaite offrir à mes collaborateurs en transformant leurs espaces de travail ? Correspond-elle à ma culture d’entreprise ? Est-elle envisageable avec les processus de travail, les outils et les normes existantes ?

À juste titre, les espaces de travail pourraient être – s’ils sont bien pensés – le reflet, voire même le véhicule de la culture d’entreprise en vigueur et du management appliqué. L’espace physique deviendrait alors le langage non verbal de l’entreprise, capable de transmettre au premier coup d’œil ses codes culturels. Mais si l’ensemble de ces composantes systémiques n’ont pas été suffisamment prises en compte dans le cadre d’un réaménagement des espaces, il sera difficile pour les collaborateurs de se l’approprier.

Autrement dit, opérer une transformation des lieux et un petit relooking ne suffit pas pour rassembler, engager ses collectifs et attirer de nouveaux talents. Chaque organisation qui envisagerait de donner une nouvelle vie à ses bureaux doit privilégier une certaine cohérence organisationnelle et réfléchir en priorité aux usages actuels et futurs… D’autant plus si l’aménagement des nouveaux espaces de travail s’accompagnent d’une volonté de modifier l’organisation du travail et la culture d’entreprise ! 

Bref, le bureau a encore de belles années devant lui !

Non, le bureau n’est pas mort, mais il doit se réinventer et sa pérennité implique de repenser l’expérience et l’engagement des collaborateurs en partant de leurs usages : pourquoi mes collaborateurs viennent-ils toujours au bureau ? Qu’est-ce qu’ils y font de plus qu’ils n’y font pas ailleurs… ? Raisonner en termes d’expérience collaborateur, en instaurant un cadre de consultation se révèle être une priorité pour cultiver leur engagement… et leur présence aux bureaux !

Justine Kieffer

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