Anaïs Koopman
Anaïs Koopman
1 juillet 2022
Temps de lecture : 5 min

Mois des fiertés : De 1969 à nos jours, un combat qui continue

Si le mois des fiertés – du 1er au 30 juin de chaque année – touche à sa fin, il n’est pas seulement un symbole des revendications pour les droits LGBTQ+, mais représente surtout  un enjeu qui se défend tous les mois, toutes les semaines et tous les jours de l’année… ! L’occasion de revenir sur l’origine de cette célébration et de faire un état des lieux de sa place et de son impact dans le monde, études et chiffres à l’appui. L’occasion également de souligner les discriminations dont sont encore victimes un (trop) grand nombre de personnes sur le fondement de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre.

D’abord, est-ce qu’on parle de Gay Pride… de mois des fiertés ? 

Si certaines personnes utilisent encore le terme de Gay Pride pour désigner ce temps fort, aujourd’hui, on parle plutôt du mois des fiertés ou de Pride – « fierté », en anglais -, Month, afin de considérer l’intégralité des membres de la communauté LGBT+, ou plus de manière plus exhaustive LGBTQIA+. Plus qu’un événement pour défiler dans la rue afin de célébrer la diversité des orientations sexuelles et des genres, il s’agit donc d’un temps majeur et important pour cette communauté et les personnes avec qui ses membres vivent et interagissent : pour tout le monde, en somme. 

1969 : À l’origine, la Marche des fiertés 

Revenons à l’origine du mois des fiertés. Nous sommes à Stonewall, quartier de Greenwich Village, New York, un soir de l’été 1969. Un groupe de personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres s’allient pour lutter contre la police, venue faire une descente au bar gay qu’ils fréquentent : le Stonewall Inn. À cette période, dans les années 1950-1960 à New York, il est interdit de servir des boissons alcoolisées aux personnes homosexuelles, de danser entre hommes, ou encore de se travestir. Ainsi, ce type d’intervention de la part des forces de police n’est en aucun cas un fait isolé. La différence, c’est que pour la première fois, les personnes concernées se rebellent : c’est le début du mouvement LGBTQ+, d’abord aux Etats-Unis, puis dans le monde entier. Des mouvements sociaux actifs le soutiennent, et plus particulièrement dans le quartier libéral de Greenwich Village. 

Le 28 juin 1969, donc, la foule se révolte, à l’initiative de trois femmes – Marsha P Johnson, Sylvia Rivera et Stormé Delarvarie : plus question de se laisser faire. Les policiers, surpris, sont dépassés. Cette réaction sans précédent se transforme en émeute qui dure sur plusieurs jours, jusqu’au 3 juillet 1969. La communauté des LGBT+ est plus unifiée que jamais. Des journaux et des organisations de défense des droits des personnes homosexuelles et lesbiennes naissent de cette union. Grâce à la militante bisexuelle féministe Brenda Howardainsi, la première Marche des Fiertés, ou Pride Parade voit le jour à New-York pour marquer l’anniversaire de cet événement historique, un an après les émeutes de Stonewall. Aujourd’hui et depuis la première Gay Pride d’Europe, qui a eu lieu le 29 avril 1972 à Münster en Allemagne, de telles marches prennent forme chaque année dans le monde entier, dans un soucis de commémoration et pour faire avancer, les droits des personnes LGBT+. En France, la première manifestation française exclusivement homosexuelle se déroule à Paris le 25 juin 1977. 

2022 : Quelle évolution depuis 1969 ? 

Plus d’un demi-siècle s’est déroulé depuis les émeutes de Stonewall. Depuis, les choses ont évolué. Par exemple, en France la loi Taubira adoptée le 17 mai 2013 a officialisé le droit de mariage, d’adoption et de succession avec une personne du même sexe, vers une meilleure équité administrative ( congés en cas de mariage, d’adoption, ou encore la succession en cas de décès d’un des membres du couple). De plus, la loi punit toute discrimination, considérée comme un délit passible, de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende, en sachant que la « LGBTphobie » – ou la haine anti-LGBT -, est une circonstance aggravante, depuis l’article 2 de la loi n°2022-92 du 31 janvier 2022. Depuis 2004, discriminer une personne vis-à-vis de son orientation sexuelle est illégal, et il en est de même concernant l’identité de genre, depuis 2012. 

Et pourtant, le mois des fiertés a encore tout son intérêt : Catherine Tripon, Porte-parole nationale de l’association L’Autre Cercle (oeuvrant pour l’inclusion professionnelle des personnes LGBT+), nous le rappelle dans une interview pour le cabinet à l’occasion du mois des fiertés  : « La situation est encore extrêmement compliquée pour  les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres. » 

À savoir que dans encore 70 pays du monde, les relations homosexuelles consentantes restent criminalisées, et que dans 11 pays, ce “crime” est passible de la peine de mort. Si en France le cadre légal prohibe toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, la réalité des discriminations dont sont encore victimes les personnes LGBT+ laisse à désirer, notamment dans le monde du travail. 

Focus sur les LGBTIphobies au travail

Dans le rapport sur les LGBTIphobies 2022 l’association SOS homophobie, relève un « podium des manifestations » anti-LGBT+. Sur ce « palmarès  », le rejet figure en première place (57% des cas de discrimination envers les personnes LGBT), suivi du harcèlement (49%) et des insultes (48%). Il existe aussi des situations d’outing (23% des cas), autrement dit, le fait de révéler publiquement l’orientation sexuelle ou le genre des personnes concernées sans leur consentement, ainsi que des licenciements abusifs (13%). De plus, dans 60% des cas de discrimination, les auteurs des agressions sont des collègues et dans 52% des cas, des supérieurs hiérarchiques. 

Le plafond rose, ou le plafond de verre… version LGBT+ et le pinkwashing en entreprise 

Au-delà des faits et des données chiffrées, le plafond de verre a aussi son équivalent LGBT+ : le plafond rose. Cette version du glass ceiling, qui désigne à l’origine les barrières que rencontrent les femmes pour accéder à des postes plus élevés, est elle aussi problématique. Selon le 1er Baromètre LGBT+ signé par L’Autre Cercle et l’Ifop (2017), il semblerait en effet que 29% des personnes ayant répondu au sondage aient déjà observé une « inégalité dans le déroulement des carrières des personnes LGBT+ ». Preuve que l’orientation sexuelle des actifs n’est pas qu’une question de vie privée, et qu’elle peut avoir un  impact  discriminatoire sur leur vie professionnelle. 

A côté des problématiques d’équité de traitement, l’entreprise est également challengée sur le sujet d’un point de vue communicationnel. Poussée à communiquer sur ses valeurs d’inclusion pour attirer ses talents et ses consommateurs, elle se retrouve parfois critiquée de pinkwashing lorsque ces messages donnent le sentiment d’un décalage entre le discours et la réalité perçue de ses engagements en faveur de l’inclusion LGBT+.

Bien que cela ne soit pas toujours évident pour les entreprises de trouver le bon ton et d’avoir un impact à la hauteur de leurs intentions pour défendre une meilleure inclusion des personnes LGBT+, l’idée reste de ne pas se servir de la « cause » pour vendre ou attirer les talents des jeunes générations, « très sensibles à une vraie politique inclusive », d’après Catherine Tripon.

Anaïs Koopman

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