Julien Ohana Sarah Bessat
Julien Ohana
Julien Ohana
Sarah Bessat
Sarah Bessat
Les auteurs.es
5 septembre 2019
Temps de lecture : 4 min

Il était une fois… le storytelling au coeur des enjeux RH

Il est fini, le temps où un seul slogan, une seule image, un bon titre, martelés à grande échelle, suffisait à nous convaincre. Exit, les entreprises où chacun rêvait de bosser parce qu’elles offraient un plan de carrière. Hasta luego, les dirigeants qui pensaient que leur seul statut leur permettait d’exiger un changement pour qu’il ait lieu… Bienvenue dans l’ère du « Storytelling », où la narration est redevenue un art à part entière, où le récit reprend sa place, répondant aux enjeux de l’engagement et aux attentes des individus en quête de sens !

« Si l’Histoire était racontée sous la forme d’histoires, elle ne serait jamais oubliée. »

Rudyard Kipling

Imaginez toujours, imaginez encore… storytelling

« Faire usage de cette faculté qui nous sépare des autres êtres (…) Et cela fait partie de notre condition, belle, d’humains, fait partie de notre condition d’êtres, libres, prisonniers, reclus, malheureux, et jusqu’aux derniers instants de nos jours, nous imaginons… » Ondjaki.

À l’instar de cet extrait de l’auteur du roman Les transparents, Yuval Harari, dans le best-seller Sapiens, développe une idée fondamentale : ce sont nos histoires et notre imagination qui ont permis à l’Homo sapiens d’être l’espèce dominante sur notre planète. C’est à travers elles et leur pouvoir fédérateur autour de croyances communes que notre survie s’est organisée ! Dans cette interview donnée au média l’ADN, l’auteur explique comment « l’Homme, en créant le storytelling et les gossips, a favorisé l’émergence d’un collectif rassemblé autour de mythes ».

Captez l’attention… storytelling

Cela fait bien longtemps que nous partageons des histoires et déjà, les grands orateurs et penseurs de l’Antiquité théorisaient cette pratique. Ils la nommaient rhétorique, ou la science et l’art du discours sur les esprits. Pratique universelle et intemporelle, elle a d’abord concerné la communication orale puis écrite… Décriée ou détournée, objet de polémique pour certains, elle a cependant toujours eu pour point d’orgue de servir à capter l’attention. À force d’être manipulée, la rhétorique devient pour le plus grand nombre, honteuse, poussiéreuse… Pour finir par être oubliée.

C’est en 2007 qu’une définition plus contemporaine et accessible nous est proposée par Stephen Denning, un ancien dirigeant de la Banque mondiale, dans sa « théorie du Leadership ».

Selon lui, notre mode de communication est traditionnellement axé sur une trilogie rationnelle :

  1. Constat d’une problématique
  2. Analyse
  3. Préconisation d’une solution.

Mais l’effet recherché par ce mécanisme est de moins en moins convaincant. Le public est surexposé à l’information et habitué au spectaculaire… Il faut donc inventer un nouveau modèle. Le storytelling en est un, qui substitue une nouvelle mécanique : capter l’attention en jouant sur la palette des émotions et en stimulant le désir de changement d’emporter, dans un dernier temps seulement, l’adhésion du public par l’utilisation d’arguments rationnels. C’est à travers l’utilisation de formules narratives et symboliques que les choses sont rendues visibles et appropriables. C’est en générant des émotions et en incitant à l’action que notre message prend vie.

Donnez du Sens storytelling

« Martin Luther King, a d’abord partagé un rêve, pas un plan d’action… », disait Simon Sinek pour illustrer sa théorie du « Golden Circle ». L’image est amusante et le propos inspirant. Selon lui, les gens n’adhèrent pas à ce que vous faites mais à pourquoi vous le faites. Son concept peut servir de méthode de référence pour aboutir à un discours efficace et à un public engagé. Dans l’idéal, il faut que tout ce que l’on fasse, dise ou écrive, parte de l’intérieur du cercle pour aller vers l’extérieur.

Storytelling - Why
  • WHY = Notre « POURQUOI ?» ou « POUR QUOI ? » est le plus difficile à trouver mais aussi le plus important. C’est notre raison d’être, notre but, notre cause, la force motrice derrière tout ce que nous faisons. Les individus et les entreprises qui s’intéressent à leur « pourquoi » sont, d’après Simon Sinek, plus inspirants (ils peuvent entraîner les foules), plus productifs (c’est plus facile de travailler quand on sait pourquoi), plus créatifs et plus heureux.
  • HOW = Nos « COMMENT ? » sont l’ensemble des environnements, méthodes, moyens et valeurs qui permettent au « quoi » de se réaliser.
  • WHAT = Nos « QUOI ? » sont les manifestations réelles de notre pourquoi, leurs concrétisation. Ils correspondent aux activités que nous faisons tous les jours pour nous-mêmes ou pour l’entreprise. Ils sont 100% rationnels. Cela peut être un produit ou un service.

 

Incarnez votre récit… storytelling

Tandis que nous traversons un contexte de transformation sans précédent, il est encore fréquent de constater le manque d’adhésion à des projets, faute d’histoires. Anomalie française, les agences et communicants en tout genre ont cantonné le storytelling aux sphères politiques et marketing ; pourtant les Anglo-Saxons utilisent la communication narrative dans des domaines très variés, notamment dans le management.

Penser une histoire qui emporte l’adhésion, qui fasse sens et qui, de façon sincère et cohérente, devienne le fil rouge de ses actions peut aider une Direction Générale à accompagner un changement, un manager à partager une vision, une DRH à ancrer une culture, un directeur commercial à exposer une stratégie… Quand la rhétorique se met au service du sens, que cela est fait avec intégrité, il en ressort des messages concrets et une audience mobilisée.

Mais le storytelling ne doit pas faire l’économie d’un parti-pris pour plaire au plus grand nombre, au risque de devenir lisse et sans saveur ! Il doit être incarné… L’authenticité est indispensable pour raconter une belle histoire. Elle est la source de notre légitimité, de notre crédibilité et de notre capacité à vous différencier.

« Le roman et la vie se confondent, ma vie est une narration tantôt vécue, tantôt imaginée et si un journal américain m’a donné le nom de collectionneur d’âme, c’est que je ne cesse de faire mon plein de je innombrables, par tous les pores de ma peau. » Romain Gary

Julien Ohana & Sarah Bessat

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